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Du
jamais vu
sur le
Paris-Dakar
Aveugle, le Nantais Michel Point sera copilote lors du prochain rallye
africain. Une expérience unique et incroyable
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Michel Point a fêté
ses 53 ans dans le désert. C'était le 16 juin dernier au Maroc, pour
une reconnaissance. Entre caillasse et dunes de sable, un décor qu'il
retrouvera l'an prochain, du 1er au 18 janvier sur le Paris-Dakar.
Comme beaucoup, voilà plusieurs années qu'il porte le projet. Lui a
pourtant dû surmonter un obstacle supplémentaire. Il ne voit pas. Pas
question de masquer la réalité. Il explique : « Ne dîtes pas
non-voyant, c'est une façon de croire que tout est réglé. Que vous
soyez aveugle ou non-voyant, vous rencontrez les mêmes problèmes. Cela
ne sert à rien de se voiler la face ». Alors, l'équipe qu'il formera
avec Nicolas Richard, un pilote qui s'est déjà frotté à deux reprises
au sable de l'aventure africaine, s'est choisie une formule choc en
guise de slogan : « Un copilote aveugle, du jamais vu sur le Dakar ».
Un pari unique qui en
laisse plus d'un pantois. Formateur dans un institut spécialisé des
environs de Nantes (Vertou), Michel Point précise d'entrée : « Avant
tout, on est dans le cadre d'une aventure personnelle. Il ne s'agit
pas de montrer que tous les aveugles ont envie ou peuvent faire le
Dakar. Il ne faut pas nier le handicap. Cela demande des efforts ».
Beaucoup de réflexion, d'obstination. Résoudre les questions
techniques, s'affranchir des contraintes administratives.
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A
quoi sert un copilote aveugle ?
Un copilote ayant
besoin d'une licence de compétition automobile, il a fallu multiplier
les pressions, batailler ferme, se rendre jusqu'en Côte d'Ivoire pour
obtenir le fameux sésame. Du coup, dans les starting-blocks depuis
1996, le projet a pris du retard. Mais aujourd'hui, il est sur ses
quatre roues. Avec un budget conséquent, plus de 150.000 euros, qui
permettra même d'emmener un 4x4 Toyota Land Cruiser HDJ 80 et une
voiture d'assistance. |
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A l'origine de la
démarche, Nicolas Richard (33 ans) souhaitait relever, comme il le
dit, « un beau challenge ». Il a donc recherché un copilote aveugle et
a découvert Michel Point. Gaillard, qui s'est essayé au saut à
l'élastique, a connu l'épreuve des longues marches Audax à côté
desquelles le marathon de New York a des allures de promenade à
Central Park... « J'aime les sensations », confie l'intéressé, « mais
je ne suis pas un casse-cou. On part avec un maximum de sécurité. On
ne fait pas le Dakar pour le gagner ». Juste parce qu'il s'agit d'un
défi intéressant. |
Reste la question
numéro un. A quoi sert un copilote qui ne voit pas ? Qui ne peut pas
vous indiquer au dernier moment qu'il faut prendre le petit chemin à
droite, éviter un piège ? « On en a discuté avec beaucoup de
spécialistes », poursuit Michel Point. « Le Paris-Dakar, ce n'est pas
un rallye traditionnel où il faut intervenir à chaque virage.
Jean-Louis Schlesser nous a même dit : "Je ne demande pas à mon
copilote de regarder la piste". Certains conducteurs ne supportent
d'ailleurs pas que le passager surveille leur conduite. Là, je serai
sur le trip (NDLR : qui calcule les distances) et dirai, par exemple :
"On est au kilomètre 100. Au km 102,3, il y a un puits, il faut
prendre à droite". Ce qui se passe sur la piste, c'est l'affaire du
conducteur. Il regarde ce qui est près, le copilote regarde au loin ».
Chacun devenant tour à tour le regard de l'autre. Deux hommes unis
comme les deux yeux d'une seule et même voiture.
Contact : Association
"A perte de vue", 4, rue Saint-André, 85620 Rocheservière.
Tél. 06.89.91.63.02 ou
06.15.21.27.04.
E-mail :
michel.point@wanadoo.fr |
La route au bout des doigts
Un terminal en braille
Un copilote travaille
avec trois outils : le road-book, qui donne les directions et les
obstacles de la piste à suivre ; le Terratrip, qui calcule les
distances, et le système GPS. Michel Point disposera ainsi de toutes
les informations nécessaires grâce à un terminal informatique braille
et vocal, nommé Elba. GPS et Terratrip seront connectés directement à
Elba par les ports de communication alors que le road-book sera
inscrit sur une mémoire-flash. Ce qui a obligé les organisateurs à
mettre au point une version informatique de road-book qui sera donnée
à l'équipe chaque mation. Afin d'éviter que l'ordinateur soit
congestionné par la poussière, un filet d'air passera en permanence
sur l'afficheur.
Penser à tout
Quand la voiture
secouera, pas évident de garder les mains sur le clavier. Et, dans cet
habitacle réduit à sa plus simple expression, il y a un bruit d'enfer.
Alors, comment rester en contact avec les informations ? Le clavier
sera solidement arrimé juste devant le copilote. Niveau sonore, il y a
évidemment le casque. « On essaie de penser à tout », souligne Michel
Point, « cela nous demande plus de préparation qu'aux autres ». Le
Nantais sera équipé d'une télécommande qui lui permettra de faire
klaxonner le véhicule… Au cas où il s'égarerait.
Attention aux chocs
Michel Point ne pourra
pas anticiper les chocs. Encore plus que les autres copilotes, il
pourrait donc être victime du coup du lapin. En collaboration avec un
ergonome et un médecin, un système a été mis au point. Le casque sera
relié au siège grâce à un caoutchouc qui amortira les heurts. Le
repose-pied sera équipé de deux arceaux, comme sur les planches à
voile.
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Stéphane Peterhansel :«
Le pilote devra l'aider »
« C'est une idée
originale. Cela me surprend dans la mesure où le travail du copilote
est important. On ne peut pas imaginer qu'il soit aussi performant.
Quand on passe d'une note à l'autre, il faut visualiser ou détecter
quelque chose de la note précédente. Là, cela ne sera pas possible.
D'habitude, la communication ne va que dans un sens. Ici, le pilote
devra l'aider. J'ai un peu peur que, au niveau des impacts et des
chocs, il subisse beaucoup. Il ne pourra pas anticiper ».
Stéphane Peterhansel a
remporté six fois le Paris-Dakar en moto et s'est placé 2e l'an passé
en auto.
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Patrick Zaniroli : «
Seulement une expérience »
« Au départ, cela peut
prêter à sourire. Mais, on se trouve là sur un rallye où l'on
n'annonce pas tous les 50 m : "Virage à droite", "Virage à gauche"...
Seul le Dakar peut permettre ce type d'expérience. Mais cela doit
rester une expérience. Sur le Dakar, il y a une catégorie handicapé.
Des gens tétraplégiques ou amputés ont déjà concouru. Michel Point
prendra moins de risques qu'eux. Et puis, on le connaît depuis cinq ou
six ans. Il est déterminé, sérieux. Je suis sûr qu'il sera devant des
personnes qui ont deux yeux ».
Patrick Zaniroli est
directeur sportif du Paris-Dakar. |
Jean-Louis
Schlesser : « Pas une partie de plaisir »
« Il ne pourra pas
être au niveau des premiers. Mais, comme il aura tout visualisé à
l'intérieur, il aura une approche supérieure à celle de trois quarts
des autres copilotes. J'ai rencontré Michel Point. C'est quelqu'un de
sérieux. Mais beaucoup de choses ne dépendront pas de lui. Un copilote
subit beaucoup de chocs, lui ne les verra pas arriver. Il faudra que
le pilote l'aide, roule sans prendre de risques. Cela ne sera pas une
partie de plaisir ».
Jean-Louis Schlesser a
gagné deux Paris-Dakar (1999 et 2000).
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Gilles Picard : «
Trouver le rythme »
« Un copilote aveugle
? Cela me surprend mais c'est génial. Sur le Dakar, tout est possible.
C'est ce qui fait la grandeur de l'épreuve. Mais il faut adapter le
matériel et sa vitesse. Ils ne pourront pas être au niveau des
premiers. Dans les véhicules de tête, il y a un autre travail en
dehors des notes. C'est le suivi technique de la voiture. Là, le
pilote devra trouver le bon rythme. Le Dakar, c'est une machine qui
avance tout le temps. Vous ne pouvez pas vous mettre trop en retard et
arriver à la nuit à chaque bivouac sinon vous ne dormez plus, vous
êtes trop fatigués ».
Gilles Picard a courru
19 Paris-Dakar, 11 comme copilote (2e l'an passé). |
Textes
Philippe MARACCI
Photos
Roger CLAUDIN, Raphaël GAILLARDE /
GAMMA,
PQR BEP / F CHAVAROCHE /
NICE
MATIN et ER
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